Mon père s’était agenouillé près de la l’âtre chatoyant de la cheminée et regardait le feu crépiter de son regard éternellement froid et dénué d’amour. Sa mâchoire glabre s’était crispée, comme à chaque fois qu’il ressentait cet étrange sentiment qu’était l’autosatisfaction. Du haut de mes dix ans, je m’étais approché jusqu’au seuil de la porte, et je le regardais, le cœur au bord des lèvres. Nauséeux. Mon père venait de jeter au feu ma toute première toile achevée : une nature morte faite de mes petits doigts potelés d’enfant. « Il n’y a pas de saltimbanques chez les McAllister » avait vociféré mon père lorsque je lui avais montré timidement la première toile bigarrée. J’ignorais à l’époque ce que pouvait bien être un saltimbanque, mais je savais dès lors que la peinture n’était plus autorisée à franchir le seuil du manoir.

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Quand l’alcool coule à flot dans les veines paternelles, je sais qu’il n’est pas bon pour moi de rester. Et pourtant, tétanisé par la peur, je suis comme paralysé et je subis inlassablement ses attaques. « Qu’ai-je fais pour mériter pareil progéniture. J’aurai préféré encore mourir sans héritier, plutôt que de te confier notre patrimoine ». Et mon cœur de s’étioler aussi douloureusement que s’il y avait planté une dague brûlée à blanc. Son regard sournois en dit long : il sait qu’il me brise, qu’il me touche, et il espère faire de moi l’homme qu’il attend. Mais je ne suis que l’image de sa déception, le reflet terne et honteux de ce qu’il hait par-dessus tout. Mais dès lors que ma mère est morte en me donnant naissance, mon destin d’enfant déchu était tout tracé. Et alors, il ne me reste plus que quelques fusains et un vieux cahier pour épancher mes peines et oublier l’indifférence familiale. 

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Je comprends que l’amour me donne des ailes, mais amenuise ma peinture. Moins je souffre et moins je crée. Elle me fait rire, et ses yeux de biches m’ensorcèlent, mais je délaisse à son profit le crin de mes pinceaux. Et je me sens vide, aussi vide que mes toiles, à chaque fois que je m’assois devant elles. Elles appellent au silence de mon cœur tambourinant, à la misère et à la mélancolie. Mais pour ma quatrième année, au creux de ses bras et de sa poitrine laiteuse, je ne trouve plus la force de perdre tout espoir. Jamais plus je ne m’y ferai prendre. La peinture transcende tout, et je préfère la quitter, avec désespoir et amertume, pour recouvrir l’odeur de l’huile au bout de mes doigts. Je me promets de ne plus m’y laisser prendre : l’amour affaiblit ma créativité, et sans peinture, ma vie ne semble trouver aucun sens.

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Mon père se tue à assassiner mon art quand je n’aspire qu’à le faire vivre. Sur les murs de ma chambre d’adolescent, il n’y a rien d’autres que des centaines de croquis, d’aquarelles, de peinture acrylique ou à l’huile. Au milieu de mon bureau, fusains et encre de chine se mènent une bataille sans merci, tandis que mes doigts sont tachés – comme tatoués – par milles et unes couleurs. A chaque fois que mon père pénètre mon antre, il en arrache une dizaine et y met le feu. Une mesure d’exemples. Mais il ne sait pas que sous mon lit, dans un carnet volumineux, j’emmagasine des heures de travail et de réflexion. C’est comme si à chaque dessin brûlés, dix nouveaux naissent dans mon esprit salvateur. Je le nargue de mes bras tachetés d’encre, et lui s’applique à me montrer la discipline. Mais dans cette guerre froide, il ne semble y avoir aucun vainqueur désigné.

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« Tu feras des études universitaires. Je me suis déjà arrangé pour que tu aies une place dans le cursus judiciaire. Tu vas réussir, Caliban, sans quoi je te déshérite. Je sais très bien ce que tu fais de ton argent : acheter tes peintures hors de prix, mais si tu ne vas pas à l’université, je te coupe les vivres. Me suis-je bien fait comprendre ? » Et si mon égo me criait de lui dire de couper les vivres, mon amour de l’art lui, me sommait de me taire. Car si je pouvais vivre sans dignité, il me semblait impossible de survivre sans mes pinceaux. Et pour l’heure, l’ultimatum était clair. La semaine suivante, je prenais le Poudlard Express pour ce qui serait ma huitième année à Poudlard.

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Comment ai-je fais pour ne pas la remarquer plus tôt ? Sa chevelure d’or est comme un halo de lumière autour de son visage de porcelaine. Ses yeux de poupée, d’un bleus myosotis, me font souffrir mille morts à chaque fois que je sombre dedans. Ses cils sont si longs, que je me demande à chaque battement pourquoi ils ne s’entremêlent pas. Parfois fragile, parfois de marbre, elle semble être faite d’un équilibre précaire qui menace à tout instant de s’écrouler et de m’emporter dans sa chute. Elle me fascine d’un seul regard, et son sourire soulève en moins de envies de lubricité. Je la couche alors sur une toile immaculée, et elle devient dès lors la muse tant attendue. Celle qui m’inspire et me brise à la fois, celle qui me hurle d’arrêter mais dont les yeux m’ordonnent de continuer. Je me crois son digne possesseur, je la jalouse et l’enlève au commun des mortels, car dès lors qu’elle entre dans mon champ de vision, elle s’approprie tout mon espace vital.  

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Ma peinture me fait vivre. Je ne parle pas de toutes ces choses futiles, comme l’argent. Elle me fait vivre au sens propre du terme : plus je peins, et plus ma vie prend un sens et se déleste d’un poids. A chaque couleur étalée, à chaque ombrage imprimé, je sens la vie s’insuffler dans mes veines. Parfois, cela suffit, parfois, il m’en faut plus. Et je m’imbibe l’esprit de substance illicite, pour m’offrir ce kaléidoscope jusqu’alors effleuré. Et ma muse de me faire sentir vivant, de m’enivrer de son parfum de violette, de m’arracher des frissons du bout de ses doigts pulpeux. Elle n’est dès lors que mon souffle de vie, celle qui me raccroche à cette misérable existence. Les autres femmes ne sont que de pâles imitations de sa beauté sublimée par mes yeux d’artiste, et si parfois, je m’égare sur leur chair laiteuse, il n’en reste pas moins qu’à mes yeux, la perfection n’a qu’un nom, celui de ma muse.

De quoi détesterais-tu le plus qu'on te traite ?:  D'incapable. C'est ce que son père à toujours fait, et il garde cette blessure, plaie béante et sanguinolente en son sein, comme un trophée dont il ne doit jamais se départir. Une égratignure qui lui rappelle ce que son père n'a jamais été pour lui. Un modèle.

L'aube ou le crépuscule ?: L'aube. Plus rougeoyante, plus lumineuse, elle promet milles merveilles mais n'offre jamais que l'obscurité.

Un Moldu t'aborde en pleine rue en te lançant qu'il est persuadé que tu es un sorcier ou une sorcière. Que fais-tu ?: Je l'ignore. De la même manière que j'aurai ignoré un sorcier dont je ne connais pas l'identité.

Qu'est-ce que tu as le plus hâte d'apprendre à Poudlard ?: Passionné d'histoire, Caliban boit littéralement toutes les anecdotes historiques que l'on peut lui servir.

Que préférais-tu?: Que les autres te jalousent ?

Quel chemin te tente le plus?:  Le petit sentier tortueux jonché de feuilles mortes qui s'enfonce à travers les bois

Sous quel nom préférerais-tu entrer dans l'histoire ?: Le Grand.

Un détraqueur a réussi à pénétrer dans l'école, comment réagis-tu ?: Fascinante créature, ce buveur d'âme n'est pas de ceux qui effraient Caliban. Néanmoins, son attirance pour l'obscurité lui fera sortir son carnet de dessin à la hâte pour y esquisser quelques traits de crayons, avant de l'encrer de sa plume chinoise. L'indifférence est reine.

S'il te fallait faire un choix, préférerais-tu inventer une potion te garantissant: Le pouvoir

Le noir ou le blanc?: Blanc. Pure, hypocrite, immaculé. Il est tout ce que Caliban n'est pas. Son anti-matière.