L’homme face à moi me fixe et jamais ses yeux ne quittent le mien. Tendu, j’ai peur qu’il y arrive à nouveau. Je passe une main moite sur mon visage pour briser une fraction de seconde le contact entre nous deux.

« Concentre-toi » M’ordonne Amos d’un ton dur.

« J’essaye, ça fait des heures maintenant. » Je lui réponds d’un ton sec.

« Legilimens » Il lance sans me répondre ou me laisser le temps de me préparer.

Des flots d’images, des souvenirs envahissent mon esprit et le sien. Je me débats dans mon esprit, cherchant un moyen de lui faire lâcher prise. Mes défenses sont faibles et même un débutant Legimens pourrait les briser.

Je vois des images de mon père me dominant de sa haute taille d’un air dur et glacial qui est à jamais figé sur son visage. Ma mère, forte à ses côtés n’affiche pas non plus de sourire comme à son habitude. Les souvenirs défilent un à un en flash. Je vois leurs visages inquiets, ils murmurent dès que j’ai le dos tourné.

« Il a bientôt 10ans et il n’a montré aucune trace de magie, qu’est-ce que tu veux que je pense ? » Murmure ma mère dédaigneusement.

« Pas que mon fils est un Cracmol. Aucun Yaxley ne déshonorera la famille comme ça » Répond mon père dans un murmure rapide et qui ne demande aucune réponse.

Je lutte pour pousser Amos hors de ce souvenir et n’y parviens que parce qu’il se laisse volontairement faire.

Une foret devant moi, noir et épaisse, j’y suis complètement perdu et je sais exactement ce qui va se passer mais mon jeune moi n’en a aucune idée. Quelques mètres plus loin, un silence complet qui me perturbe. Une branche se brise et quand je relève la tête je panique. Une acromentule descend dans ma direction, ses pattes frétillent et je suis sa proie. Tétanisé je ne bouge pas de ma position et elle se rapproche de plus en plus. Son énorme tête n’est qu’à quelques centimètres de moi et je lève instinctivement mes mains pour me protéger. Une lueur s’en échappe et l’araignée lâche un cri d’agonie. Je profite de la distraction pour courir à toutes jambes, je m’écorche les bras, le visage et les jambes sur les branches mais rien ne m’arrête jusqu’à ce que je sois en sécurité dans le manoir familiale.

Le souvenir change au moment où mes parents arrivent vers moi. Je sais ce qu’il se passe ensuite, leur soulagement à l’idée que je sois un sorcier mais Amos ne voit rien car un autre souvenir prend la place de celui-là.

J’ai onze ans, face à moi quatre tables remplies d’élèves des différentes maisons. On me pose le choixpeau sur la tête et j’entends une voix.

« Ambitieux et malin, le choix me semble évidemment »

Frénétiquement, je secoue la tête. Non. On m’avait toute ma vie pris pour une déception et je n’avais aucunement envie de faire plaisir à cette famille si difficile. La voix se tait quelques instants avant de reprendre la parole.

« Non ? Tu es intelligent et curieux, peut-être que Serdaigle serait un meilleur choix. »

Je ne bouge plus comme si chaque mouvement pouvait changer mon destin et qu’une épée de Damoclès se trouvait au-dessus de ma tête. Tendu jusqu’à présent, je ne parviens à me détendre que lorsqu’une voix retendit au-dessus de ma tête. « Serdaigle ! »

Je reviens à la réalité et Amos secoue la tête. Il essaye de m’apprendre à défendre mon esprit. J’en suis incapable et cela fait des mois que nous essayons. J’arrive à forger des défenses sommaires qui s’effondreraient au premier coup de vent.

« Encore » Je lui dis d’un ton ferme et il relève les yeux et sa baguette.

« Legilimens. »

Mon premier cours, mes premiers amis et une jeune fille. Brune et belle, j’ai quinze quand je la rencontre et j’en tombe presque qu’immédiatement follement amoureux. Un autre souvenir d’elle, l’année d’après, son badge de préfète accroché à son uniforme de Gryffondor. A ses côtés, une version plus jeune de moi, le même badge accroché sur mon uniforme. Ma main dans la sienne. Notre histoire défile par flash très rapide, Amos n’en voit que des brides et cela me satisfait parfaitement. Il ne voit pas précisément la demande en mariage, la naissance de notre fils Alaric… Mes mains agrippent mes cuisses d’un geste douloureux. Sentant le côté privé de mes souvenirs, Amos passe à d’autres.

Mon travail au Ministère, d’un petit poste sans importance à ma position actuelle de Directeur des Serdaigle et professeur de Defense contre les forces du Mal. Jamais je n’avais voulu prendre mes responsabilités d’héritier ou entrer chez les mangemorts, bien trop occupé à vivre ma vie librement, ne voulant être impliqué dans une guerre qui ne me concerne pas. Je m’inquiète aujourd’hui du chemin que prend mon fils, de ses envies de grandeur qui le pousse du mauvais côté.

Amos coupe la connexion et abaisse sa baguette.

« C’est inutile, Aristide, tu n’es pas fait pour ça. Ça en devient ridicule. Face à un Legimens, tu ne tiendras pas une minute. »

Je serre les dents mais je ne proteste pas. Je suis conscient de ne pas être à la hauteur et je hais cette sensation. Je me lève et lui tourne le dos. Vexé de mon incapacité à apprendre l’Occlumencie, après quelques instants je sens sa main se poser sur mon épaule brièvement avant d’entendre le bruit de ses pas s’éloigner et la porte se refermer après son départ.