Grande Salle. Un jour ordinaire. Un repas ordinaire. Midi, des centaines d’élèves installés autour des longues tables. Un festin délicieux duquel je partirai encore le ventre prêt à exploser. J’ai de la chance de ne pas grossir trop rapidement lorsque je mange beaucoup. Je serai déjà obèse si ce n’était pas le cas. Tout le monde mange, discute. J’ai le regard posé sur mon assiette pleine, je ne parle à personne. Non pas que je ne mange pas avec mes amis, une grande partie des gens de ma maison sont mes amis de toute façon, mais je n’aime pas discuter en mangeant et ils le savent. Alors je mange et les regarde s’extasier sur le/la dernière vedette du jour, souvent un beau jeune homme ou une belle fille. Je ne crois pas que mes critères en matière d’amour se résument au physique d’une personne. Du moins, je n’espère pas. A vrai dire, je n’y ai jamais vraiment pensé. Je me suis toujours dit que ce serait le jour où je serai amoureuse que je verrai. Je savais que je n’avais pas besoin de voir la tête de quelqu’un pour l’aimer. J’espère que des gens pensent la même chose que moi, j’espère que quelqu’un voudra bien accepter ma sœur malgré son physique mais aussi son handicap. J’espère qu’elle vivra une vie normale, une vie d’une personne en bonne santé. Elle m’a toujours regardé avec ses petits yeux bleus qui pétillent rien qu’à l’idée de vivre. Elle m’a supplié tellement de fois de lui dire qu’elle était comme toutes les autres petites filles. Je lui ai répondu chaque fois que pour moi, elle n’était pas une petite fille ordinaire, je lui ai dit qu’elle était la petite fille la plus belle, la plus gentille, la plus intelligente, la plus généreuse, la plus originale de toutes les petites filles… L’amour d’une personne ordinaire n’est rien comparé à celui qu’elle me donne.
Le repas se termine, je ne me lève pas toute suite, je n’aime pas beaucoup les foules et les bousculades dans les couloirs comme un vieux troupeau dont chacun des occupants essaye de se frayer un chemin, alors j’attends que la ‘circulation’ soit plus fluide, assise de travers sur mon banc. Et puis je vois un ‘ami’ qui n’en est pas vraiment un d’ailleurs, c’est juste une connaissance, mais je l’apprécie. Zach’, un gars que j’ai rencontré à cause de mon prénom qui est le même que sa sœur. On ne se parle pas vraiment, on se croise dans les couloirs, on se dit bonjour, on se sourit, mais on fait notre vie chacun de notre côté. Le Poufsouffle est assis à sa table lui aussi, avec l’un de ses amis. Je me lève, m’approche de leur table, son ami part avant que j’arrive. Je m’assois sur son banc à une distance raisonnable de lui, je ne veux pas non plus lui donner l’impression d’être agressé par une fille qu’il a croisé deux ou trois fois dans les couloirs. Peut-être qu’avec un peu de chance, on aura une occasion de parler un peu.
Salut ! Tu vas bien ?